J.O. 24 du 28 janvier 2006
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Avis n° 2005-1054 du 8 décembre 2005 concernant le projet de décret relatif à la conservation du numéro prévue par l'article L. 44 du code des postes et des communications électroniques
NOR : ARTT0500121V
L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,
Vu la directive 2002/22 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs à l'égard des réseaux et services de communications électroniques (« directive service universel ») ;
Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles L. 36-5 et L. 44 ;
Vu l'avis no 2005-197 de l'Autorité en date du 22 mars 2005 relatif à une demande du ministre délégué à l'industrie en date du 18 février 2005 ;
Vu la demande d'avis du ministre délégué à l'industrie en date du 21 novembre 2005 ;
Après en avoir délibéré le 8 décembre 2005,
Par un courrier en date du 21 novembre 2005, le ministre délégué à l'industrie a sollicité l'avis de l'Autorité sur le projet de décret relatif à la conservation du numéro prévue par l'article L. 44 du code des postes et des communications électroniques (CPCE).
I. - Sur le contexte juridique
La directive service universel dispose, en son article 30, que les Etats membres veillent à ce que tous les abonnés des services téléphoniques accessibles au public qui en font la demande puissent conserver leurs numéros, quelle que soit l'entreprise fournissant le service. Cette disposition a été transposée en droit français à l'article L. 44 du CPCE qui dispose que :
« Les opérateurs sont tenus de proposer à un tarif raisonnable à leurs abonnés les offres permettant à ces derniers de conserver leur numéro géographique lorsqu'ils changent d'opérateur sans changer d'implantation géographique et de conserver leur numéro non géographique, fixe ou mobile, lorsqu'ils changent d'opérateur tout en demeurant en métropole, dans un même département d'outre-mer, à Mayotte ou à Saint-Pierre-et-Miquelon. Les opérateurs prévoient les dispositions nécessaires dans les conventions d'accès et d'interconnexion, à des tarifs reflétant les coûts correspondants. »
L'article 59 de la loi no 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (Journal officiel no 179 du 3 août 2005) a complété l'article L. 44 des deux alinéas suivants :
« Les offres mentionnées à l'alinéa précédent doivent permettre à l'abonné qui le demande de changer d'opérateur tout en conservant son numéro dans un délai maximum de dix jours, sauf demande expresse de l'abonné. La demande de conservation du numéro, adressée par l'abonné à l'opérateur auprès duquel il souscrit un nouveau contrat, est transmise par ce dernier à l'opérateur de l'abonné. Sans préjudice des dispositions contractuelles relatives aux durées minimales d'engagement, le portage effectif du numéro entraîne la résiliation du contrat qui lie cet opérateur à l'abonné au plus tard dans le délai de dix jours précité. »
« Un décret, pris après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques et du Conseil national de la consommation, précise les modalités d'application des deux alinéas précédents. »
Le dernier alinéa de l'article L. 44 du CPCE prévoit donc qu'un décret précisera les modalités d'application des dispositions législatives relatives à la portabilité des numéros, décret qui est l'objet du présent avis.
II. - Sur l'enjeu de la portabilité des numéros
L'Autorité attache une importance toute particulière à ce que la portabilité des numéros, fixe ou mobile, permette, dans l'intérêt du client consommateur, entreprise ou entité publique, une fluidité du processus de changement d'opérateur aussi grande que possible. A cet égard, la portabilité constitue une garantie indispensable à l'exercice d'une concurrence effective sur les marchés des communications électroniques.
Dans ce cadre, l'Autorité a indiqué, notamment dans son avis no 2005-0197 en date du 22 mars 2005, que la portabilité des numéros nécessite la mise en oeuvre d'un processus souple, rapide et simple pour le client souhaitant conserver son numéro, sans entraîner de renforcement implicite des mécanismes de fidélisation des clients par les opérateurs.
Ainsi l'Autorité a identifié que les principaux obstacles du système actuellement en vigueur pour la portabilité des numéros mobiles (PNM) résidaient dans le processus de double guichet, et dans le délai trop long de portage et de résiliation.
C'est pourquoi l'Autorité se félicite de l'introduction de ces évolutions législatives qui permettront notamment de réduire le délai du processus à moins de 10 jours, non seulement en ce qui concerne le processus de portage, mais surtout s'agissant de la réduction à 10 jours maximum des préavis de résiliation.
III. - Sur le projet de décret relatif à la conservation du numéro prévue par l'article L. 44 du code des postes et des communications électroniques
III-1. Questions de fond
L'article 1er du projet de décret introduit dans la troisième partie du CPCE une section intitulée « Numérotation et adressage » comprenant les articles D. 406-18 et D. 406-19.
L'article D. 406-18 précise le champ d'application de la loi ainsi que certaines définitions employées dans le processus de portabilité des numéros. De même, il précise les modalités de demande de la portabilité par l'abonné. Enfin, il est prévu que l'ARCEP précise, en tant que de besoin, les modalités de mise en oeuvre de cet article par une décision prise en application de l'article L. 36-6 du CPCE.
Concernant les modalités générales de résiliation du contrat qui lie l'abonné à l'opérateur donneur dans le cadre du portage effectif du numéro, l'Autorité comprend que le législateur a souhaité mettre en oeuvre un système de portabilité qui protège l'abonné d'une situation de double facturation pour un même service (sous réserve des conditions contractuelles relatives à la durée minimale d'engagement auprès de l'opérateur donneur, comme rappelé par la loi).
Sur ce point, la loi prévoit que : « sans préjudice des dispositions contractuelles relatives aux durées minimales d'engagement, le portage effectif du numéro entraîne la résiliation du contrat qui lie cet opérateur à l'abonné au plus tard dans le délai de dix jours précité ». L'Autorité souhaite attirer l'attention du ministre sur une possible interprétation fallacieuse de cet alinéa par les opérateurs, selon laquelle le délai de résiliation de 10 jours ne serait pas opposable aux conditions générales de vente relatives aux préavis de résiliation. Ainsi, un opérateur pourrait prétendre que la résiliation interviendrait bien dans le délai légal de 10 jours tout en indiquant que le client est redevable des montants dus au titre du préavis de résiliation (deux mois par exemple). Bien évidemment, une telle interprétation aurait pour effet d'annihiler le principal apport de la loi qui est de permettre à l'abonné de bénéficier d'une diminution du délai de portage sans engendrer de façon systématique de double facturation.
L'Autorité considère que l'intention du législateur est sans ambiguïté et que le texte de loi est suffisamment clair et ne nécessite aucune précision complémentaire sur ce point. Il appartiendra aux services de l'Autorité et à la DGCCRF de veiller à la bonne application de cette disposition.
Par ailleurs, le projet d'article D. 406-19 rappelle les compétences de l'ARCEP vis-à-vis des prestations inter-opérateurs au titre de la portabilité des numéros téléphoniques. Il précise notamment que l'opérateur attributaire répond aux demandes d'informations raisonnables des exploitants de réseaux relatives aux numéros portés dont il est l'attributaire.
Sur ce point, l'Autorité souligne que les fournisseurs de services de communications électroniques doivent également bénéficier des informations mentionnées afin de pouvoir facturer en bonnes et dues formes leurs abonnés pour les appels à destination des numéros portés.
Au-delà, l'Autorité estime que ces dispositions offrent aux opérateurs le socle juridique nécessaire à la mise en place pérenne d'un mécanisme efficace de routage des appels à destination des numéros portés (routage direct). L'introduction d'une telle architecture est en effet nécessaire à plusieurs titres. Elle permet, l'acheminement normal du trafic dans le cadre de l'introduction de nouveaux services (par exemple la visiophonie), tout en évitant de pénaliser les abonnés qui ont porté leur numéro en cas de panne de réseau. Enfin, elle offre une plus grande efficacité économique.
Dans ce cadre, la mise à disposition des informations relatives aux numéros portés est une étape indispensable à la mise en place par les acteurs du secteur d'une architecture de routage direct. Cette disposition sera suivie d'autres décisions ou initiatives de l'Autorité et des acteurs en vu de favoriser cette architecture.
Enfin, cet article octroie à l'Autorité les moyens nécessaires pour s'assurer du respect par les opérateurs de l'obligation de reflet des coûts prévu à l'article L. 44.
L'article 2 précise les dates d'entrée en vigueur des dispositions en fonction des types de numéros et des zones géographiques concernées.
A titre liminaire, l'Autorité souhaite indiquer qu'il conviendrait de préciser que les dates d'entrée en vigueur des dispositions ne concernent que la partie relative à l'organisation de la procédure administrative de portage du numéro entre les différents intervenants. Ainsi, seul le I de l'article D. 406-18 devrait être soumis aux dispositions de l'article 2, à l'exclusion du II, qui doit pouvoir être mis en application dès la publication du décret. En effet, l'Autorité sera amenée, conformément au II de l'article D. 406-18, à prendre une décision dans le cadre de l'article L. 36-6 du CPCE, et ce antérieurement à la date d'entrée en vigueur prévue à l'article 2.
Concernant la date d'entrée en vigueur de la portabilité des numéros mobiles en métropole, l'Autorité souhaite souligner, comme elle a pu le faire dans le cadre de la réunion organisée le 27 septembre dernier par le ministre délégué à l'industrie, que la mise en oeuvre des évolutions consécutives à l'adoption de la loi nécessite des travaux importants et complexes entre l'ensemble des acteurs concernés.
En effet, ces évolutions engendrent une complexité certaine au niveau des systèmes d'information des opérateurs et de leur interconnexion, tant en ce qui concerne le développement des spécifications nécessaires que leur mise en oeuvre effective. Ceci implique des travaux à la fois :
- au sein de chaque opérateur ;
- dans le cadre des échanges entre les opérateurs concernés ;
- et enfin, pour les tests inter-opérateurs indispensables au lancement effectif de ces dispositions.
L'ensemble de ces développements nécessite des délais conséquents et difficilement réductibles pour garantir un lancement du nouveau processus de portabilité par l'ensemble des acteurs, dans des conditions qui lui permettent d'être favorablement accueilli par les utilisateurs finals.
Au demeurant, ces évolutions seront d'autant plus complexes et délicates que les mois qui précéderont leur lancement, prévu pour le 1er janvier 2007, correspondent à une période de l'année pendant laquelle les systèmes d'information et les réseaux de distribution sont indisponibles à toute évolution majeure en raison de la très forte activité commerciale.
En outre, compte tenu de la complexité de ces évolutions, il convient de noter que les deux systèmes de portabilité mobile en métropole (système actuel et nouveau système de simple guichet) ne pourront a priori coexister simultanément. En effet, la gestion en parallèle de deux processus et donc de deux systèmes d'information entre l'ensemble des acteurs concernés engendrera des risques de mauvais fonctionnement au détriment des utilisateurs finals. Ainsi, l'Autorité attire l'attention sur le fait que la transition entre ces deux systèmes aura vraisemblablement pour conséquence l'impossibilité de réaliser des portages sur une période de deux à trois semaines.
Dans ces conditions, l'Autorité souhaite indiquer que la date d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives à la portabilité des numéros mobiles en métropole prévue au 1er janvier 2007 est ambitieuse.
Concernant la portabilité des numéros mobiles dans la zone Antilles Guyane, le calendrier envisagé comporte moins de risque du fait que, d'une part, cette fonctionnalité n'existe pas à ce jour dans cette zone et, d'autre part, la date de mise en oeuvre prévue ne correspond pas à une période de très forte activité commerciale. De plus, les opérateurs concernés ont lancé depuis plusieurs mois des travaux préparatoires en cohérence avec les nouveaux textes réglementaires. La complexité des évolutions nécessaires est là aussi réelle mais paraît compatible avec l'échéance du 1er avril 2006.
Concernant la portabilité des numéros mobiles à la Réunion et dans les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, la date proposée, qui correspond à la recommandation initiale de l'Autorité, prenait en compte l'impact économique lourd du changement d'un processus qui vient d'être mise en place à la Réunion. Toutefois, Orange Réunion, dernier opérateur commercialement ouvert sur ce département, a indiqué qu'il souhaitait une date d'entrée en vigueur de ces dispositions au 1er janvier 2007. A l'opposé, SRR a indiqué être défavorable à une accélération de ce calendrier étant donné l'impact économique des investissements nécessaires à de telles évolutions.
Dans ces conditions, l'Autorité considère que le calendrier peut être raccourci au minimum au 1er juillet 2007 en ce qui concerne la portabilité des numéros mobiles dans le département de la Réunion. Il en va de même pour les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
III-2. Questions de forme
L'article D. 406-18-I précise que le délai de portage (10 jours calendaires) court à compter de la réception par l'opérateur receveur de l'ensemble des informations nécessaires au traitement de la demande de l'abonné. Dans ce cadre, il apparaît souhaitable de clarifier que les informations nécessaires comprennent tant le traitement de la demande de souscription que la demande de portabilité du numéro.
Par ailleurs, l'Autorité souhaite attirer l'attention du ministre sur la nécessité de préserver les droits des consommateurs en matière de consentement, au regard du délai de rétractation ou de renonciation tant en ce qui concerne le démarchage à domicile que la vente à distance. Ainsi, l'Autorité s'interroge sur l'opportunité d'insérer une disposition visant à permettre que le délai de portage ne court qu'à compter de l'expiration du délai légal de rétractation ou de renonciation lorsque celui-ci s'applique.
Le dernier alinéa de l'article D. 406-18-I introduit le fait que la demande de portabilité peut porter sur plusieurs numéros et que la résiliation du contrat concomitante au portage porte dans ce cas sur la fourniture du service associé aux numéros faisant l'objet du portage. Cet alinéa joint toutefois deux dispositions, l'une portant sur un cas particulier, l'autre traitant des modalités relatives au cas général. L'Autorité propose afin d'enlever toute ambiguïté, une reformulation de cet alinéa indiquant, d'une part, que le portage effectif du numéro entraîne la résiliation du contrat de l'opérateur donneur et, d'autre part, que la demande de conservation du numéro peut porter sur plusieurs numéros, relavant d'un même contrat.
Une proposition de rédaction est formulée en annexe pour chacun des points énoncés ci-avant.
Sous réserve des remarques énoncées ci-dessus et des modifications rédactionnelles formulées en annexe, l'Autorité émet un avis favorable sur le projet de décret.
Le présent avis et les propositions rédactionnelles annexées seront transmis au ministre délégué à l'industrie, et publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 8 décembre 2005.
Le président,
P. Champsaur
A N N E X E
PROJET DE DÉCRET RELATIF À LA CONSERVATION DU NUMÉRO PRÉVUE À L'ARTICLE L. 44
DU CODE DES POSTES ET DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES
Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
n° 24 du 28/01/2006 texte numéro 72